L’année 2022 tire sa révérence pour laisser sa place à 2023. C’est peut-être l’heure de regarder (un peu) dans le rétroviseur… Mais comme je n’aime pas trop ce moment où il est question de faire le bilan, je choisis aujourd’hui de poser ici quelques-unes de mes lectures. De celles qui me font du bien, qui me donnent le sourire et me réchauffent le cœur. J’ai piqué au hasard de ma bibliothèque ou de ma pile ramenée récemment de Lyon ces quelques livres pour venir vous souhaiter de suivre vos rêves, de prendre soin de vos idées (même les plus folles !), de sauter dans les flaques, de cultiver vos petits moments de bonheur et surtout de ne pas oublier de regarder le monde avec vos yeux d’enfant !
Abécédaire des métiers imaginaires d’Anne Montel (Little Urban)
Tu veux faire quoi quand tu seras grand ? En voilà une question que je me pose encore souvent malgré mon âge…
Et si un peu de fantaisie se glissait dans la réponse ?
C’est la proposition d’Anne Montel, avec son délicieux Abécédaire des métiers imaginaires. Vingt-six pages pour autant de professions farfelues et tellement poétiques. Cultivateur de cœur d’artichauts, lanceur d’étoiles filantes, saleuse d’eau de mer… En regard de chaque illustration, il y a une petite histoire dans laquelle chaque profession est incarnée par un personnage. On rencontre par exemple Thibault, marchand de sable, qui fait la promesse d’un bonnet de nuit offert à l’achat de 500g du précieux sable qui garantit le sommeil. Ou alors Monsieur Gustave, qui, en bon peintre de feuilles d’automne, manie les pinceaux à merveille pour que les arbres se couvrent de leurs belles couleurs. Et encore Sylviane, la tricoteuse d’écharpes pour girafes, qui profite de ses insomnies pour en réaliser de magnifiques toutes colorées.
Anne Montel joue avec les expressions imagées de la langue française et invente des professions que personnellement j’adorerais exercer ! A chaque page, il y a une pointe d’humour, que ce soit dans le texte ou dans des détails amusants glissés dans ses douces aquarelles. Il fait partie de ces livres que l’on peut lire d’une traite ou laisser trainer dans un coin de sa maison pour venir picorer une page au hasard. Et surtout, il donne envie de prolonger le plaisir de la lecture en inventant de nouvelles occupations toutes aussi farfelues. Il ne fait aucun doute que les enfants doivent avoir beaucoup à inventer à ce propos !
Tout au bord, d'Agnès de Lestrade et Valeria Docampo (Alice jeunesse)
Un ours bleu s’interroge sur le monde qui l’entoure. Qu’est-ce qu’il y a tout au bord de l’hiver ou de la mer ? Au bord de l’ennui ? Au bord des larmes ? Dans ce bel album un peu ovni littéraire, les doubles pages format paysage s’alternent avec des doubles pages verticales. Ainsi la lecture est rythmée par la rotation de l’objet devant les yeux du spectateur, qui plonge avec délice dans les illustrations à bord perdu tout en rondeur et en mouvement… Une jolie place est donnée aux questionnements, à la rêverie. C’est une invitation à jouer avec les mots aussi.
De peu de mots, il est pourtant tellement profond ce livre-là. Une respiration, qui fait un pied de nez au monde qui nous entoure et qui va un peu vite. Et une proposition à laisser ses craintes de côté pour se lancer dans l’inconnu. La surprise finale vient confirmer que la nouveauté peut amener son lot de changements… tout en couleur !
Le marchand de bonheur de Davide Cali et Marco Soma (Sarbacane)
Monsieur Pigeon parcourt la forêt, d’arbre en arbre, pour proposer à la vente des pots de bonheur. Des grands à partager avec des amis, des plus petits pour bourse modeste, en pack de six pour familles nombreuses… Davide Cali et Marco Soma nous offrent un ouvrage magnifique ! Chaque petite maison nichée dans les arbres est un régal pour les yeux, on se prend à rêver d’avoir la sienne, comme lorsque l’on était enfant. Il y a de l’élégance et de la douceur dans ces images-là.
Le propos, d’apparence simple, est bien plus profond qu’il n’y parait. Le bonheur s’achète-il vraiment ? Les plus nantis méritent-ils d’en avoir plus que ceux qui en ont moins les moyens ? Ces pots-là, vendus par Monsieur Pigeon, sont-ils vraiment une aubaine ? La chute vient nous rappeler que le bonheur ne tient pas à la quantité de choses que nous possédons, mais qu’il se niche souvent dans les petits moments joyeux partagés, tout simplement.
Une si belle journée de Richard Jackson et Suzy Lee (Kaléidoscope)
Dehors, le ciel est sombre et il pleut si fort que l’eau ruisselle sur les vitres du salon. Mais cette météo maussade ne vient pas entamer la joie de vivre des trois jeunes protagonistes de cette histoire. « Quelle belle journée ! Quel temps rêvé ! ». L’exclamation lancée contraste évidemment avec les éléments extérieurs déchainés, mais elle agit comme une formule magique sur les enfants : ils sautent en l’air, dansent, tournoient et finissent par sortir, bottes aux pieds et parapluie en main.
Peu à peu, les nuages font place au ciel bleu, les couleurs reprennent leurs droits, sous les pinceaux de la magicienne Suzy Lee qui sait si bien rendre compte du mouvement dans ses images. Les parapluies sont lancés et les mômes poursuivent leur ronde joyeuse à travers la campagne.
Une belle ode à l’enfance, qui donne furieusement envie de danser sous la pluie !
Un jour, j’ai eu une idée de Kobi Yamada et Mae Besom (Le lotus et le petit éléphant)
L’idée de cette histoire-là est celle d’un enfant. Elle se matérialise à ses côtés sous la forme d’un œuf couronné. Au début, il n’y prête pas trop attention. Il la laisse de côté, car il ne sait pas trop quoi en faire. Mais elle le suit, inlassablement et grossit au fil des pages. Elle réclame de l’attention et du soin, alors il lui en accorde, malgré ses craintes du regard des autres. Et celles-ci sont vite confirmées par les commentaires de son entourage : mauvaise idée, trop bizarre, elle ne mènera nulle part… Vraiment ?
Un livre nous rappelle combien nos idées sont précieuses (même les plus folles !) et qu’en les cultivant comme de précieux trésors, en les laissant prendre toute la place qu’elles méritent, en se faisant un tout petit peu plus confiance, le merveilleux peut s’installer dans notre vie.
(petit clin d’œil à Séverine qui m’a offert ce bouquin à la suite de la réalisation d'une idée qui m'a trotté longtemps dans la tête avant d'oser me lancer …)
Murdo, le livre des rêves impossibles, d’Alex Cousseau et Eva Offredo (Seuil Jeunesse)
Les 59 rêves racontés dans ce livre, ce sont ceux de Murdo, un yéti. On lui dit que les yétis n’existent pas, si ce n’est dans les légendes… Qu’à cela ne tienne ! Son premier rêve sera donc d’exister pour de vrai, ailleurs que dans un livre.
Suit un inventaire à la Prévert où la merveilleuse langue d’Alex Cousseau vient rencontrer les images incroyables d’Eva Offredo.
Il y a des rêves tout simples, comme faire un château de sable ou avoir un vélo (mais pour un yéti, il faut bien admettre que cela comporte son lot de difficultés !). Il y a aussi des rêves douillets, comme rentrer dans l’œuf d’un oiseau ou partager son goûter avec une île… Des rêves un peu plus grands, plus fous, comme faire obéir une rivière ou faire tourner une planète entre ses mains.
Je l’aime d’amour ce livre-là ! Il est si précieux que chaque enfant mériterait de l’avoir un jour entre ses mains.
Je vous laisse sur ce rêve-là, précieux, pour consoler vos chagrins et éloigner les malheurs...
Et je vous souhaite une année 2023 lumineuse, joyeuse et pleine de sourires !